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Jérémie Gindre

Les Outils cardinaux, 2009-2010 (détail)

Aggloméré mélaminé, encre de Chine sur toile

144/100 cm, 60/60 cm

Collection du FMAC Genève

Courtesy de l’artiste et galerie Chert, Berlin

Jérémie Gindre

Les Outils cardinaux, 2009-2010

Aggloméré mélaminé, encre de Chine sur toile

144/100 cm, 60/60 cm

Collection du FMAC Genève

Courtesy de l’artiste et galerie Chert, Berlin

Nicolas Milhé

Le Retour à la nature, 2011

deux moutons naturalisés, or

70 x 45 x 110 cm chacun

courtesy de l’artiste et des galeries

Mélanie Rio, Nantes et Samy Abraham, Paris

Vue d’exposition

Jérémie Gindre, Nicolas Milhé

Sébastien Gouju

Décrocher la lune, 2009/2012 (détail)

installation murale in situ, clous, 100 x 100 cm

courtesy de l’artiste et Sémiose galerie, Paris

  

Vue d’exposition

Nicolas Milhé, Sébastien Gouju

  

Sébastien Gouju

Décrocher la lune, 2009/2012

installation murale in situ, clous, 100 x 100 cm

courtesy de l’artiste et Sémiose galerie, Paris

  

Vue d’exposition

de gauche à droite :

Nicolas Milhé, Sébastien Gouju et Antoine Dorotte

  

Antoine Dorotte

Sur un coup d’surin, 2007

vidéo d’animation réalisée à partir de

260 plaques gravées à l’eau-forte

courtesy de l’artiste et galerie ACDC, Bordeaux

  

IMAGES

ÉVÉNEMENT

« Vous allez voir un résultat pas banal »

Une conférence de Jérémie Gindre


jeudi 7 juin à 20h au café-lecture les Augustes

5 rue sous les Augustins, Clermont-Ferrand

entrée libre sans réservation

En prolongement de l’exposition, l’artiste suisse Jérémie Gindre viendra nous parler du mystérieux Coral Castle, jardin de sculptures créé en Floride au début du XXe siècle par l’excentrique Edward Leedskalnin, à la suite d’un chagrin d’amour. Cette structure est constituée de nombreux mégalithes sculptés, chacun pesant plusieurs tonnes et représentant des monuments antiques, du mobilier de jardin ou un cosmos romantique. Construit dans le plus grand secret, par un homme seul et sans machines, qui affirmait avoir découvert le secret des pyramides d’Egypte, il est considéré comme l’une des énigmes de ce monde. La conférence s’attardera sur les questions d’antigravité, de solitude, de l’application de la pensée nietzschéenne en Floride et du rock sirupeux de Billy Idol.


Cet événement se tiendra au café-lecture les Augustes, situé à 300 m de l’exposition. Pionnier en France des cafés-lecture, il rassemble un large public autour d’événements et rencontres ayant trait aux domaines culturel, mais aussi sociétal et politique.


www.cafe-lecture.org

  

LA DENT ET LE COUTEAU

ANTOINE DOROTTE - JÉRÉMIE GINDRE -

SÉBASTIEN GOUJU - NICOLAS MILHÉ


exposition du 31 mai au 13 juillet 2012

vernissage le jeudi 31 mai à partir de 18h30


> voir les images


« Vous allez voir un résultat pas banal »

Une conférence de Jérémie Gindre

jeudi 7 juin à 20h au café-lecture les Augustes


> en savoir +




La dent et le couteau

Ce pourrait être un conte, une fable, voire un mythe.

Dans un temps hors-temps, un âge d’or, une histoire nous est livrée. Sous une lune pleine et majestueuse, elle raconte une genèse, un commencement, elle dévoile une faille ou retrace un rite... De la dent au couteau, l’homme est passé de la nature à la culture, mais si l’outil porte en lui l’indice d’une progression vers la civilisation, il reste aussi l’arme potentiellement révélatrice d’une sauvagerie héritée en chemin...

Des motifs de haches ou de lames prélevées dans le bois, jusqu’aux pointes fines entaillant le zinc, support d’un étrange duel au couteau, en passant par les cornes dorées de béliers mystiques et les milliers de clous plantés en trame dans un des murs de la galerie, l’outil, en creux ou en plein, nous plonge dans l’histoire d’une évolution où, dans l’éclat des métaux, s’adjugèrent souvent les bénéfices du pouvoir et de la suprématie.

La dent

Les oeuvres de Sébastien Gouju (Décrocher la lune) et de Nicolas Milhé (Le retour à la nature) font directement ou indirectement référence à la nature et au mythe, un temps hors de l’histoire que Rousseau considérait comme hypothèse de la pureté humaine. Entre décor baroque et image fantasmagorique, un couple de béliers aux cornes dorées à l’or fin passe tranquillement sous une lune montante de soir d’été. Dans cette scène au fort potentiel narratif, les animaux souvent empreints de pouvoirs surnaturels dans les mythologies populaires, rejouent une anecdote historique selon laquelle la marquise de Pompadour éleva dans les jardins de son Hôtel d’Evreux, présent du roi Louis XV à sa favorite, aujourd’hui devenu Palais de l’Elysée, un troupeau de moutons aux cornes dorées, souscrivant ainsi aux fantaisies du 18e siècle qui prônaient un retour à la nature d’inspiration rousseauiste, bien qu’un peu arrangé à la mode rococo... De la dent au couteau, de l’Hôtel d’Evreux à l’Elysée, de la nature à la culture et du mythe à la réalité, cette oeuvre marque l’impossible retour en arrière d’une humanité corrompue par les pulsions contradictoires qui l’assaillent. Un paradoxe qui pourrait s’expliquer par le fait cruel que l’instant de notre création contient, dans le même temps, le gain et la perte de notre propre liberté.

Réflexion philosophique ou pêché originel, le jardin des délices promis pourrait bien être voué à un tout autre sort. Et l’outil entraînerait l’homme dans une perpétuelle course en avant qui, d’évolution en évolution, l’éloignerait de son origine. Plus tard, bien plus tard, nous retrouverions au terme de cette cosmogonie, des empreintes, des essais prélevés dans le bois, des marques témoignant de la recherche et des savoir-faire manuels. Des Outils cardinaux comme les nomme si justement Jérémie Gindre, des références ancestrales, des commencements... Vives et nettes, les figures laissées là nous renseignent d’un passage.

Le couteau

L’homme est manifestement passé ici en homo faber ! Un créateur d’outils nouveaux et un maître en savoir-faire. Les oeuvres de La dent et le couteau ont toutes en commun un rapport au travail manuel, une maîtrise qui elle aussi pervertit en même temps qu’elle libère. Surplombant le couple de béliers, la lune éclairant la nuit des temps est "systémisée" par Sébastien Gouju qui l’organise, au mur de la galerie, en une trame offset - de simples clous remplaçant les injections d’encre de l’imprimante. Là aussi, l’astre mystique entre tous, naïf et fabuleux, subit l’irréversible outrage d’être rapporté à l’état d’une image moyennement définie, et ayant du mal à dissimuler les insuffisances techniques d’une machine-outil à l’âge, post-industriel, de la révolution numérique dans le monde de l’imprimerie. La représentation pervertirait ainsi l’idée, l’image mentale, la pureté originelle et mythologique de l’astre obscur.

Serions-nous donc dans une arène où se joue un combat, une lutte à mort entre la nature et la culture ? Là, dominé par l’étoile noire1 déjà chère à Antoine Dorotte, et sous les coups de ses pointes effilées, se dessine un affrontement au couteau dans lequel l’artiste rejoue le duel clanique du film West Side Story. Deux monstres chimériques, mi-hommes mi-insectes, se livrent à une bataille suprême (Sur un coup d’surin). Attention, il ne doit en rester qu’un.

Si l’homme est né d’un tel duel, si ce "passage de l’état de nature à l’état civil2" l’a élevé en même temps qu’il l’a corrompu, les enjeux de sa domination sont devenus éminemment politiques. Il est entré en formation. Sociabilisé, l’instinct s’est mué en apprentissage3 et le dard a fait place au crandar’.

Marc Geneix

___________________

1. voir par ailleurs Antoine Dorotte, Darkarakiri, 2007.

2. Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, 1762.

3. Blaise Pascal, Préface pour le Traité du vide, 1651 : N’est-ce pas indignement traiter la raison de l’homme que de la mettre en parallèle avec l’instinct des animaux, puisqu’on en ôte la principale différence, qui consiste en ce que les effets du raisonnement augmentent sans cesse au lieu que l’instinct demeure toujours dans un état égal.



La dent et le couteau a reçu le soutien de Pro Helvetia, Fondation suisse pour la culture

Remerciements :

les artistes et leurs galeries, le FMAC Genève, le café-lecture les Augustes et les bénévoles qui ont aidé au montage.


  

Antoine Dorotte, 'Sur un coup d'surin', 2007, vidéo d'animation réalisée à partir de 260 plaques gravées à l'eau-forte, courtesy de l'artiste et galerie ACDC, Bordeaux