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Sans titre (projet : cosmos, dégradé 05)

119x78cm, sérigraphie sur papier, 2011

courtesy art: concept, Paris


Photo de gauche:

vue de l'extérieur. A la demande de l'artiste, les vitres ne sont pas nettoyées pendant la durée de l'exposition.

Sans titre (projet : cosmos, dégradé 05), 2011

119x78cm, sérigraphie sur papier

courtesy art: concept, Paris

  

de gauche à droite:


Sans titre (modèle 01), 2011

63x46cm, sérigraphie sur papier

courtesy art: concept, Paris


Sans titre (projet : cosmos, fleur 58), 2010

172x119cm, sérigraphie sur papier

courtesy art: concept, Paris

La Matière Grise


On entre d'abord dans les images de Pierre-Olivier Arnaud comme dans un espace sans relief, une masse grise. On voit la trame presque avant ce qui est représenté. La matière est pâle.


Les images de l'artiste sont principalement d'origine argentique, d'autres ont été scannées ou glanées ici ou là. Elles sont pour la plupart retravaillées en post production, rephotographiées, désaturées, passées en négatifs, recadrées, usées...


Ici, il y a trois et une images. Une image de plante, de fleur sans fleur - ou presque - juste la tige, il y a là quelque chose de l'ordre de la déception. Les autres images ne sont que masses grises. Quelque chose a eu lieu, surement, et l'image s'est délavée, épuisée comme les restes d'une poésie déchue, des sons qui résonnent encore au loin d'une promesse non tenue.

Une autre image résonne aussi. On est venu avec - presque sans s'en rendre compte. L'image imprimée sur le carton d'invitation ne reprend aucune des images présentées dans l'espace de la galerie. C'est une image satellite, une proposition d'introduction. On distingue un éventail, en tout cas quelque chose qui se déploie, là encore une promesse, un possible. Cette image a un double statut, elle joue bien sûr son rôle de carton d'invitation, mais c'est en même temps une image supplémentaire, une image avec laquelle on est introduit dans l'exposition. Elle a aussi une autonomie que les autres n'ont pas, elle suit un parcours (on la trouve en ville) et elle est destinée à mourir vite... En orbite, hors de l'exposition, elle est livrée à elle-même, et peut faire référence à ces déchets spatiaux dont la seule réalité est de tourner indéfiniment comme les restes érodés d'un souvenir, un bout d'image, un résidu...


Justement, ces images sont pour la plupart issues du corpus Projet : cosmos. Un projet qui tient aussi en son nom la promesse radieuse d'un futur qui n'aura pas lieu(1) - ou qui n'a pas eu lieu.


Rien n'aura eu lieu que le lieu excepté une constellation(2).


Pierre Olivier Arnaud part à la rencontre de lieux. Précisément, des villes où il existe un Hôtel Cosmos. C'est de ces endroits qu'il tire ces images. Autour des Hôtels Cosmos.


Dans son travail, Pierre-Olivier Arnaud s'attache particulièrement à éviter l'évidence, ainsi nous n'aurons pas d'image d'Hôtel Cosmos, mais des faits d'images. C'est de l'observation que l'artiste fait des lieux qu'il découvre que ces images naissent. Un fait d'image, c'est un voyage et l'expérience faite d'une chose qui est déjà une image. Ainsi, on navigue entre des images qui représentent des faits : architectures, plantes, lumières, et puis on rentre dans la profondeur de l'image, dans son épaisseur grise. C'est un paysage de trames, de formes floues désaturées, de lueurs laineuses... Des déchets d'images, des images épuisées et désaffectées.


Un paysage de micro-impressions (dans tous les sens du terme) qui pourrait être la représentation de l'irreprésentable. Ainsi, comme dans le projet mallarméen, tout part d'un échec. Ainsi, dégradées, affaiblies, effacées, reproduites jusqu'à la disparition, ces images sont, pour Pierre-Olivier Arnaud, des images de crise. Il y a la promesse d'une image mais cette promesse ne peut être tenue. Nous sommes là dans un paysage d'apocalypse aride. Un monde d'après l'image(3).


The medium is the message(4)


Il y a dans le travail de Pierre-Olivier Arnaud un effet de grossissement, et inversement de recul. Un aller dans la matière grise de l'image, et, dans le trajet inverse, non pas ce qu'elle représente - qui n'est en fait qu'une étape du parcours - mais la disposition des images dans l'espace, et plus loin encore, l'exposition globale, créant ainsi un système où chaque image ne peut être envisagée sans le contexte. Dans ce trajet du regard, tout est bon à observer : la matière des images, les images elles-mêmes, le soin avec lequel elles sont collées au mur, la composition des impressions dans la galerie, le carton d'invitation, le sous titre de l'exposition, l'exposition. Et rien ne peut être regardé séparément du reste. Le message, s'il y en a un, est constamment transporté et déplacé entre ces différents lieux, ces différentes couches de perception.


Plutôt qu'un message, il y a peut-être de la part de Pierre-Olivier Arnaud un postulat. Une posture vis à vis du monde. Du monde des images en tout cas. Comme dit plus haut, l'artiste opère une stratégie de l'évitement. Car si effectivement il cherche à se détourner de la spectacularité des images, il y a toujours en filigrane le souvenir des endroits de leur création - et avec lui, la nostalgie de cette fameuse promesse de vie. Dans ce trajet qui nous emmène donc de la naissance à la mort, l'artiste s'intéresse à ce qui est au bord du chemin, au rebut, à ce qu'il reste d'une image après essorage, ce qu'elle contient encore à la fin de son parcours. Et dans cette masse grise et lunaire, le spectateur entre dans une zone où la faillite de l'image le conduit maintenant à faire appel à sa créativité et à son imaginaire pour tenter de nouveau de construire sa propre histoire.



1 Cosmos est le nom générique donné aux satellites lancés par l'URSS puis la Russie depuis 1962.

2 Stéphane Mallarmé, Un coup de dés jamais n’abolira le hasard, Mai 1897.

3 Jill Gasparina, « La Partie amère de ces délices » in Pierre Olivier Arnaud - éditions ADERA - 2009.

4 Le médium est le message. Phrase emblématique de la pensée de Marshall McLuhan, philosophe des médias canadien, selon laquelle la nature d'un média importe plus que le contenu du message qu'il contient.

PIERRE OLIVIER ARNAUD

(pâle)


29 septembre - 19 novembre 2011