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1,2 : vues de l'exposition

3,4 : Mirage brûlant - vidéo, radiateurs - 2010

5 : Golden trashes - déchets et or pur - 2008

6 : Sunny - collection d'objets - 2010

7 : Chipsing - boucle vidéo morphing - 2010

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PAULINE BASTARD

LA PART DES CHOSES / EPISODE 5

LE DERNIER COCA DU DESERT

10 octobre - 10 novembre 2010



Pauline Bastard

Le dernier coca du désert

Invitée à clore le cycle La part des choses, Pauline Bastard a choisi d’intituler son exposition Le dernier coca du désert, titre aux allures de film hollywoodien qui tournerait mal. Confrontant l’idée d’un objet de consommation courante perdu dans un paysage immense et cosmique, le titre résume à lui-seul la pratique de l’artiste. On se souvient de la vidéo Western où Pauline Bastard y exploitait déjà cet écart entre des paysages inertes et désertiques et une petite roue colorée communément appelée ballon de plage (l’équivalent du sablier Windows) qui entrait dans le champ et le traversait. Le décalage entre la petite roue colorée indiquant l'attente d'un processus ne venant pas et l’immensité du désert était révélateur de sa volonté de mettre à distance une certaine forme de naïveté.

« Se croire le dernier coca du désert » est aussi une expression colombienne équivalente de l’expression française « se croire sorti de la cuisse de Jupiter ». Chez Pauline Bastard, ce sont les objets qui revendiquent leur importance. L’artiste les utilise comme des personnages à part entière : le sac plastique est ainsi utilisé pour représenter la montagne (Icefields), le même sac plastique personnifie la mer (Sunset), le broyeur de papier joue le rôle du méchant (Movie).Les caméras dans Desert Studio ou Jungle Studio ne fonctionnent pas, elles jouent le rôle de caméra en faisant semblant de filmer. Le leurre est une stratégie typiquement bastardienne : c’est la part non fonctionnelle des objets qui intéresse l’artiste qui les charge d’un potentiel fictionnel et dramatique. 

Le dernier coca du désert est peut-être aussi un mirage. Mirage brûlant, l’installation centrale de l’exposition, est composée de trois radiateurs placés devant l’image vidéoprojetée d’un coucher de soleil sur la mer. L’artiste tente de fabriquer un mirage en concentrant des sources de chaleur sur l’image.Comment le mirage est-il fabriqué? On ne le saura pas vraiment. Le doute est plus important que les certitudes. Pauline Bastard ne cherche pas la virtuosité technique ; elle joueavec les éléments en utilisant des moyens dérisoires, « comme si Zeus travaillait avec le matériel de MacGyver» précise l’artiste avec humour. Elle se construit son propre Hollywood à la manière d’un amateur, sans équipe et sans production.Tout ce qui l’entoure devient matériau : l’ordinateur, les logiciels gratuits qui vont avec, les outils, les produits du supermarché,les déchets. Tout est recyclé et en particulier les clichés qui fonctionnent comme des ”inducteurs d’ambiguité” pour reprendre une formule chère à Roland Barthes. Le coucher de soleil, « l’image par excellence » selon l’artiste qui en fait un motif récurrent, est utilisé aussi bien dans sa dimension de "cliché" que pour sa réelle dimension poétique.

Le dernier coca du désert c’est aussi la dernière chips d’un vernissage recueillie par Pauline Bastard qui saisit l’occasion pour lui offrir un morphing vidéo (Chipsing). Digne des performances dadaïstes, Chipsing réussit l’exploit d’être autant burlesque qu’hypnotique. Contemplation et interrogation, fascination et ironie, l’artiste pratique l’art de l’oxymore et nous confronte aux vanités de notre société de communication sans renier pour autant son goût pour un authentique premier degré, comme celui de contempler le soleil couchant sur une mer d’azur. 

Isabelle Le Normand